Découvrez le magnifique récit de Jean-Philippe, alias Roger Chips, qui nous raconte sa rencontre avec une petite fille : Emma.
De toutes ces années à l'hôpital je n'avais jamais rencontré un enfant qui aimait autant les clowns que Emma. Le matin en arrivant dans le service, une des premières choses que les soignants nous disaient, c'était : "Emma vous attend". Nous savions alors que nous devions nous dépêcher, faire les transmissions, nous costumer, car ce n'est pas que cette petite fille de 3 ans attendait les clowns en faisant autre chose, non.
Elle était assise, soit sur son lit, soit sur un petit fauteuil face à la porte et attendait, le regard fixé sur le hublot. C'était une sorte de rituel, et dès que la porte s'entrouvrait, qu'elle nous apercevait alors son visage s'illuminait. Elle tournait la tête vers sa maman, comme pour partager son ravissement. Ravissement est le mot le plus juste qui me vient à l'esprit en me remémorant la scène. C'était comme si le Père Noël lui-même était entré dans la chambre.
"La présence des clowns, notre musique et nos chants contribuaient à créer un petit nid, un abri de douceur et de tendresse, essentiel pour Emma."
Ce qu’aimait Emma, c'était la musique. Il fallait que notre intervention se passe bien, sans conflit, sans maladresse. Tel un long fleuve tranquille. Il ne fallait surtout pas s'amuser à changer les paroles d'une chanson. Emma avait besoin de maîtriser la situation. C’était sa façon à elle de gérer sa maladie comme me l’a expliqué par la suite la psychologue. Parfois, pendant la chanson elle disait " Maman, bisous" ou "Maman, câlin". Je devais alors me concentrer sur les accords de guitare pour ne pas me laisser aller à l'émotion.
La présence des clowns, notre musique et nos chants contribuaient à créer un petit nid, un abri de douceur et de tendresse, essentiel pour Emma.
La marionnette de mon chien "Jean-Pierre" lui plaisait bien. Chaque début et fin de séance était ponctué par l'apparition du petit chien au hublot. Lui avait le droit de faire ce qu'il voulait, on lui pardonnait ces facéties, c'était un bébé, un petit chiot. Elle lui envoyait toujours des bisous.
Au fur et à mesure des semaines, nous avons raconté la petite vie de Jean-Pierre. Un jour, il est venu avec son bébé, une petite marionnette à doigt et par la suite Emma réclamait toujours l'un et l'autre. Pas d'abandon, non.
Emma avait une toute petite voix, une voix minuscule, presque un murmure. Il fallait bien être à l'écoute pour l'entendre.
Toujours présente, sa maman rendait ces instants très légers. Elle nous disait très souvent à quel point les clowns étaient importants pour Emma. Apres le décès de Emma, elle a demandé à voir les clowns. Voilà les mots qu'elle nous a dits " Vous étiez tout pour elle".
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